Pensez à la rééducation graphique !
Cmonécole a rencontré Danièle Dumont, linguiste, enseignante en pédagogie de l’écriture et en rééducation graphique depuis de nombreuses années.
Pensez à la rééducation graphique !
Cmonécole a rencontré Danièle Dumont, linguiste, enseignante en pédagogie de l’écriture et en rééducation graphique depuis de nombreuses années.
Cmonécole : Danièle Dumont, pouvez-vous nous parler de votre métier ?
Danièle Dumont : J’anime des ateliers et des conférences sur la pédagogie de l’écriture, à destination d’enseignants (de maternelle, élémentaire, ou travaillant dans la prévention de l’illettrisme) et de leurs formateurs (conseillers pédagogiques, inspecteurs). Je forme également des professionnels à faire des rééducations d’écriture. Je ne rééduque plus moi-même, sauf pour des cas très difficiles !
Et en 2012, j’organise les Journées de l’écriture : 3 jours en juillet sur l’enseignement de l’écriture dans tous ses aspects, dans la campagne auvergnate, à destination en priorité d’enseignants de maternelle.
Cmonécole : A qui est destinée la rééducation graphique ?
Danièle Dumont : Potentiellement à tout le monde : à des adultes qui ont perdu l’usage d’un membre, des enfants ou ados qui n’arrivent pas à écrire assez vite, à tous ceux qui écrivent de manière illisible, ceux qui sont gagnés par la crampe de l’écrivain … La lenteur est une dysgraphie particulièrement gênante, car l’enfant s’applique et son écriture est belle … c’est une simple question de technique non apprise au CP. Ceux qui écrivent lentement étaient souvent considérés comme écrivant bien au CP…
Cmonécole : Avec votre méthode, comment se passe une rééducation ?
Danièle Dumont : On vise l’efficacité, la plupart du temps 4 à 6 séances suffisent ! Il est désastreux de voir des enfants rééduqués en 2, 3 ans, et qui ont peu à peu perdu l’estime d’eux-mêmes.
A la première séance l’enfant vient avec son cahier du moment et différents cahiers des années et classes précédentes. On regarde, on le fait écrire … On ne perd pas forcément du temps à poser plein de questions d’ordre psychologique, elles ne sont pas toujours nécessaires. Et puis on met au point la rééducation adaptée, on donne du travail quotidien d’ici au prochain rendez-vous. C’est très simple.
La liste des professionnels, région par région, formés à ma méthode, est disponible sur mon site web.
Cmonécole : Et pourquoi des formations à la pédagogie de l’écriture à destination d’enseignants ?
Danièle Dumont : Parce que dans la formation des enseignants, la pédagogie de l’écriture fait cruellement défaut ! Certaines pratiques posent problème, par exemple le fait de commencer l’enseignement de l’écriture par l’écriture des prénoms. Le prénom désigne un enfant et un seul, c’est un référent unique, les enfants peuvent donc penser que le mot écrit représente un objet concret, unique … De plus, les prénoms actuels ne renvoient pas à l’orthographe française courante. Entre Edouard, Erwann, et Eloi, c’est le même son écrit de trois façons différentes, dont une seule correspond à l’orthographe courante !
Cmonécole : Et sur la suite de l’apprentissage de l’écriture ?
Danièle Dumont : Trop souvent, on fait verbaliser le tracé : « Tu montes, tu descends, tu tournes … ». Autant d’informations difficiles à intégrer en même temps qu’on fait l’effort d’écrire, qui ne permettent pas de penser au sens de ce qu’on est en train d’écrire ; et qui, du coup laissent croire aux enfants qu’écrire, c’est dessiner des formes.
Résultat : l’enfant avec des difficultés ne va pas comprendre et risque de rejeter l’apprentissage de l’écriture voire l’école. L’enfant précoce va essayer de comprendre et ne va rien comprendre non plus … Celui qui va s’en sortir sans difficulté, c’est l’enfant « moyen », qui va accepter d’appliquer sans trop se poser de questions.
Cmonécole : Donc il ne faut pas commencer par enseigner l’écriture du prénom ?
Danièle Dumont : Non, on commencera plutôt par une préparation à l’écriture par des jeux : tenir la ligne (par exemple sur un dessin on collera des fleurs le long d’une allée), commencer à tel endroit et aller dans tel sens (par exemple on jouera au croquet en suivant une règle bien précise).
En adaptant un même geste on obtient plusieurs formes ce qui permet de former directement des lettres simples. La boucle par exemple forme la lettre e quand elle est petite et la lettre l quand elle est grande. Si on étrécit la boucle on change de forme et on, a la lettre i, ou la lettre u si on la redouble. Toutes les lettres sont formées d’une, deux ou trois formes simples qui s’enchaînent. Des jeux de foulards ou de rubans peuvent aider à acquérir l’automatisme du geste de la boucle. C’est cette technique qui est appliqué dans mes Cahiers d’écriture, édités chez Hatier.
Il faut aussi encourager l’enfant à s’interroger sur le sens de ce qu’il écrit. Par exemple, on donne une feuille avec des dessins de jouets et de fleurs, et l’enfant doit écrire « celui-ci » sous le jouet qui préfère et « celle-ci » sous la fleur qu’il préfère …
Cmonécole : Danièle Dumont, je vous remercie.
Parents, enseignants, pour en savoir plus : https://legestedecriture.fr